Mot-clé : chronique bureaucratique

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mardi 7 mars 2006

départs bureaucratiques

M

Après le retour de Démerdou, Line me confia qu’elle ne viendrait pas la semaine suivante. Elle me demanda de garder l’info : « Que les chefs se débrouillent, je ne leur fais plus de cadeaux ! Et puis, je ne désire pas participer aux festivités pour les départs du directeur et du chef ». Elle m’expliqua qu’elle allait subir une intervention chirurgicale bénigne, longtemps retardée, dont la période d’arrêt lui permettrait de diminuer le nombre de jours travaillés jusqu’à sa retraite. D’ailleurs, pour la petite histoire, puisque ces faits remontent à quelques semaines, on ne la revit plus au bureau…

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dimanche 17 juillet 2005

invitation bureaucratique

Dans le cadre de la réorganisation des services qui sera effective en septembre, Madame Benot, l’adjointe du directeur avait organisé un pot de convivialité, entre les collègues de l’étage et les nouveaux arrivants. Une semaine auparavant, nous avions découvert un joli petit carton d’invitation. Comme par hasard, le sujet n’avait jamais été abordé avant le jour J et l’heure H. Quand à 11h30, nous nous apprêtâmes à rejoindre cette petite fête, Frétillou commença à s’agiter.

_Quel pot, quelle invitation ? _Tu n’as pas reçu d’invitation ? _Bin, non ! _Tu n'aurais pas posé le carton quelque part par inadvertance ?

Frétillou se mit alors à passer au peigne fin les dossiers entassés sur son bureau, et à regarder dans ses tiroirs. En vain. Avant de partir, nous la vîmes courir dans le couloir, demander aux uns et aux autres s’ils étaient conviés…

Cette petite fête fut bien sympathique. Jus de fruits, champagne, petits fours à gogo, discussions sur le boulot, derniers potins et divers sujets annexes. Les nouveaux semblent sympas. On aimerait que toutes les matinées ouvrées s’achèvent ainsi. Bien entendu, le déjeuner fut assez léger…

A notre retour, à 14 heures, l’amie Frétillou faisait la gueule. Elle commença à exprimer son mécontentement et son souhait de quitter l’étage, le plus rapidement possible. Avant septembre. Déjà qu’elle n’appréciait plus l’ambiance, trop lourde à son goût, mais là : trop c’est trop ! Une véritable l’humiliation !

Une demie heure plus tard, l’adjointe du directeur vint dans notre bureau et lui demanda pourquoi elle n’était pas venue au pot… Frétillou lui dit sans détours ce qu’elle avait sur le cœur. Madame Benot sembla tomber des nues et lui expliqua qu’il y avait eu certainement un petit dysfonctionnement, et qu’elle aurait du venir. Pour la consoler, elle lui apporta les quelques petits fours qui restaient…

Cette délicate attention ne lui fit pas digérer l'affront. Non seulement, elle n’avait pas retrouvé le sourire, mais elle nous bombarda d’invectives ! On lui avait sans doute volé son carton d’invitation. Seul cet acte méprisable expliquait notre silence. Elle était victime d’un complot ! Devant pareilles allégations, nous réfutâmes tout en bloc, et ne fûmes pas loin de lui avouer que sa présence nous manquait, tant nous aimons la voir frétiller dans ces moments mondains. Enfin, le travail reprit ses droits, et l’on en resta là.

Evidemment, nous pensâmes légitimement que le lendemain serait un autre jour et la polémique, close ! Que nenni. Elle profitait de mes absences, me confia monsieur Cotte, pour remettre sur le tapis ce sujet hautement important ! Avouons que ce petit épisode, et ce qui s’en suivit, nous amusa un peu.. Nous savions qu’elle aimait les pots, mais insister à ce point, une semaine durant, et faire un tel cinéma…? Décidément le ridicule ne l’effraie pas.

vendredi 3 juin 2005

chef-d'oeuvre bureaucratique

Depuis quelques jours, Frétillou semble avoir repris le dessus. Notre sympathique collègue recommunique. Le silence entre nous commençait à virer au malaise. Et ce matin, elle l'a rompu. Elle s'absente aussi beaucoup moins du service. Il faut avouer que la dame avait la pression. Elle devait trouver un service qui veuille bien l'accueillir. A priori, elle semble tenir le bon poste!

Ces derniers jours, on la voyait souvent dans le bureau d'une collègue avec qui elle ne s'est jamais fâchée. Nul doute qu'elle devait s'épancher. Nous sûmes seulement qu'elle regrettait la mauvaise ambiance à l'étage et la non reconnaissance de son travail... Quand l'un de nous passait,, la discussion continuait à voix basse. Grâce à cette amie, elle a pu téléphoner aux différents chefs de service tout en nous laissant dans l'ignorance la plus totale quant à sa future destination. Il y a des informations mieux gardées que les secrets d'Etat.

Aujourd'hui, on la sent plus détendue. Non pas revenue à son meilleur niveau, mais il y a des signes qui ne trompent pas. Elle ne prend pas encore le café, mais on échange nos impressions sur le travail. Certainement que dans quelques jours, elle se reconfiera. Impossible de changer de personnalité... La fin de la guerre froide a débuté lorsque nous avons reçu un mail du service de communication intitulé: " Mise en place d'une charte graphique permettant d'harmoniser la correspondance de la Société ##########".

A la lecture de l'objet, nous avions des craintes. Un langage au vocabulaire pompeux s'avère souvent creux et dangereux... En parcourant les divers courriers internes et externes de la Société ########, il nous semblait qu'existait déjà un modèle courant de présentation permettant de reconnaitre immédiatement notre Société ######. Qu'évidemment, entre rédacteurs, certaines choses différaient, mais que l'essentiel était préservé, à savoir la présentation du sigle, du nom de la Société ######, du service, du rédacteur, des coordonnées, de la signature. Nous nous trompions lourdement! L'harmonisation dont il est question s'apparente à une uniformisation qui ne laisse plus aucune liberté ni aucune souplesse. Voici ce chef d'oeuvre de kommunication :

__Bonjour,

Afin d'harmoniser la présentation des courriers à usage interne ou externe émis par les directions et les bureaux de la Sociét ######## et conformément aux instructions du P.D.G., des modèles de documents ont été réalisés pour l'utilisation du papier à en-tête pré-imprimé « Société ######## ».

Quatre modèles ont été réalisés, utilisables par l'ensemble des services de la Société ######:

- La « lettre mise en forme administrative » : destinée à la correspondance interne à la Société###### et externe avec les tiers ;

- La « lettre mise en forme personnelle » : destinée à la correspondance avec les entreprises ou personnes privées ; - La « Note » : à usage interne ; - Le « Bordereau d'envoi »

Ces modèles respectent la Charte Graphique de la Communication du Groupe.

Dorénavant, tous les courriers réalisés àau siège devront respecter cette charte.

Vous trouverez ci-joint pour votre direction les quatre modèles réalisés ainsi qu'une notice explicative avec exemples.

Merci de diffuser largement ces modèles afin qu'ils soient utilisés dès à présent par l'ensemble des collaborateurs. Ces documents sont également téléchargeable sur l'intranet de la Société ####### à l'adresse suivante :

Pour toute information complémentaire , n'hésitez pas à nous contacter.

Cordialement,

Le Service de Presse & de Communication__

Après la lecture des documents joints, dont la présentation est d'ailleurs contestable (chacun ses goûts,) nous nous dîmes avec Frétillou que décidément l'imagination de l'encadrement pour brider les salariés n'avait plus aucune limite, qu'on se dirigeait vers un système où initiative et souplesse d'action seraient rarissimes, et pour conclure, que la bureaucratie n'avait plus aucune limite.